Après plusieurs reports, cette sortie à Borée a pu avoir lieu dans de bonnes conditions : météo excellente et bon groupe de 11 personnes motivées par la découverte de ce secteur des Boutières. Comme le Meygal, le massif du Mézenc, les Boutières composent la province volcanique du Velay oriental . Ce territoire a beaucoup à nous montrer au niveau des paysages spécifiques liés au volcanisme .
Borée, point de départ de notre sortie, se situe au pied du Mézenc, le village est entouré du Rocher de Pialoux et des deux Roches à son nom .
Il est 9h quand nous nous retrouvons sur la place et après avoir pris connaissance du programme de la journée , chacun reçoit de Geneviève un petit dossier synthétisant l ‘histoire du volcanisme du Velay oriental et particulièrement celui des Boutières.
Document utile lors des arrêts observations et des questionnements auxquels elle apportera des réponses appropriées.
TOUR DES ROCHES DE BOREE
A la sortie du village nous empruntons un chemin menant à la Croix de Boutières, rapidement nous le quittons pour une montée régulière à travers bois . Une trouée entre les arbres nous permet de découvrir Borée vu d’ en haut et plus loin , au centre d’ une prairie, un alignement spectaculaire de pierres dressées , formant des figures géométriques, le Tchier de Borée. Nous poursuivons notre montée pour découvrir après un grand virage une Grande Roche qui se dresse et dont les flancs sont tapissés d’ éboulis composés de blocs de roches claires .On est en présence ici de phonolite ,une lave résultant d’ un volcanisme de type péléen , roche omniprésente sur la plupart des volcans du secteur .
Une dernière montée pour atteindre un petit col séparant maintenant deux roches semblables mais de tailles différentes , la Petite Roche côtoyant la Grande . Ce sont les Roches de Borée, deux protusions de phonolite , «la pierre qui sonne.»
La Petite Roche montre, comme le Gerbier et le Gouleyou, des colonnes prismées, l’ érosion ayant déchaussé ces dômes de lave visqueuse et garni leurs pentes d’ éboulis caractéristiques.
VARIETE DES FORMES SELON LA VISCOSITE DES MAGMAS
En remontant, plus ou moins vite et plus ou moins chauds, les magmas refroidissent différemment au point de sortie des cratères et la capacité des laves à s’ écouler varie selon le degré de viscosité . En même temps un processus de cristallisation fractionnée peut s’opérer. On obtient alors des phonolites ou des trachytes voire des Trachyandésites. La présence de cristaux de grosseur différente permet ces distinctions. La teinte des roches en dépend aussi.
LES EXTRUSIONS : des formes diverses
Dôme-coulée : étalement important dû au relief accentué.
Mont d’ Alambre, Rocher Tourte, Suc de Coux
Cumulo-dôme aux pentes fortes : édification du dôme qui gonfle de l ‘intérieur.
Mézenc, Roche du Bachas, Rocher de la Tortue , Suc de Montfol
Cumulo-dôme aplati : léger étalement bilatéral.
Mont Signon
Dôme-protusion ou aiguille : montée du magma à la verticale, très visqueux, effet piston.
Roches de Borée, Suc de Touron, Rocher du Pialoux
Gerbier de Jonc et Gouleyou (forme de pain de sucre)
Viscosité et vitesse de refroidissement font la différence quant aux formes des volcans et à la composition des roches qui les composent .
Toutes ces distinctions sont sous nos yeux et notre balade permet de les découvrir les unes après les autres .
LES EBOULIS :
On ne peut les ignorer pendant notre parcours, ils tapissent les pentes de nombreux volcans, ce sont des « rivières de pierres. »
les roches plus claires sont en phonolite , celles avec une pâte plus sombre en trachyte, preuves d’ une cristallisation différente lors de la remontée du magma. A côté des éboulis des Roches de Borée celles du Mézenc et du Suc de Sara paraissent gigantesques. Ils sont le résultat de l’érosion pendant les périodes glaciaires et interglaciaires .
Poursuivant notre chemin, notre regard se porte alors côté sud pour admirer les protusions que sont le Gouleyou et le Suc de Touron, le premier est impressionnant par son allure de pain de sucre , on le surnomme à raison « le petit Gerbier . »
Mais à l’ arrière l’ énorme masse du Suc de Sara s’ impose dans le paysage . Il se présente sous la forme d’ un ring-dyke de phonolite , filon annulaire de 2000m de diamètre, haut de 1524m. A sa droite le Rocher du Pradoux, autre dyke a la forme d’un fer à cheval tourné vers le nord.
Pour chapeauter ces deux édifices, le Gerbier de Jonc dresse son sommet pyramidal histoire qu’ on n’ oublie pas son statut de célébrité . A ses côtés, d ‘autres sucs nous rappellent combien ce secteur volcanique est dense ( Sépoux , Montfol , Séponet ,Ourseyre …)
De retour vers le village, nous découvrons l’architecture des fermes , murs épais en pierres volcaniques et granites , toits en lauzes de phonolite qui se débite facilement en dalles, en plaques.
La belle façade polychrome de l’église de Borée vaut qu’on s’arrête pour la teinte des pierres qui la composent. Basalte, granite, tuf jaune , trachyte , toutes ces roches mélangent leurs teintes pour magnifier cette façade en harmonie avec les roches des alentours . Produit local, circuit court , dirait-on aujourd’ hui !
LE TCHIER DE BOREE
C’est en voiture que nous gagnons à l’est du village cette œuvre d’art monumentale composée de 70 pierres dressées et gravées , mise en place en 2008 par deux artistes.
Cette installation mérite qu ‘on s’y arrête un peu, elle se structure en alignements des pierres plantées selon un schéma précis (12 triangles et 7 carrés).
Elle forme une sorte de parcours ésotérique, initiatique, chaque pierre portant une inscription, un message divinatoire … Cette œuvre s’harmonise bien avec le paysage environnant et permet de prendre un peu de hauteur pour contempler le tableau où Borée semble seul dans cet univers de volcans, de forêts , de prairies et de vallons cachés .
LE MAAR D ECHAMPS – MOLINES
De là nous nous dirigeons à pied vers le col de l’Ardéchoise, puis trouvons un chemin descendant qui nous amène à une vaste étendue plate et herbue , occupée çà et là d’arbres isolés ou de bosquets . Il n’y a rien à voir, dirait l’autre ! Ce n’est qu’une prairie à bestiaux ! Difficile à croire qu’on est là face à un maar de près d’1,5km de diamètre, le cratère complètement comblé : celui-ci s’ est d’ abord rempli des produits de l’ activité phréatomagmatique, puis à cause du manque d’eau en réserve,l’activité est devenue strombolienne et a déversé des coulées dans le cratère .
Non loin du chemin une ancienne carrière de pouzzolanes témoigne bien de ce changement d’ éruption et du débordement des coulées vers le nord du maar , au pied du Rocher du Pialoux . Dans la carrière nous trouvons encore des scories rouges, des bombes , des lapilli , produits caractéristiques du strombolien .
On peut aussi constater la présence du même maar dans la carrière de Molines où les produits phréatomagmatiques sont visibles et exploités ( à 1km à l’ est de Borée) sous forme de sables volcaniques .
LA PAUSE DE MIDI
Il est l’heure de regagner les voitures pour nous diriger ensuite vers le col de la Croix de Boutières près duquel nous pique-niquerons . La route d’accès par le bas nous offre un premier contact avec le Cirque des Boutières. En montant on aperçoit bien les niveaux rocheux , témoins de l’ histoire de la construction de cet énorme strato- -volcan aujourd’hui évidé.
Des blocs gisent çà et là au milieu de prairies, tout en haut une crête rocheuse borde le haut du cirque, ce sont les Rochers de Cuzet que nous approcherons après la pause-repas.
Une bande herbeuse et ombragée nous tend les bras pour un repas convivial et partagé. Se restaurer en profitant d’une vue panoramique sur les formations volcaniques côté Ardèche est appréciable, on peut y ajouter l’empilement des 12 niveaux de coulées de Saint Clément , au nord de Borée . Complet le menu !
ROCHERS DE CUZET
Restaurés, nous abordons un panneau d’orientation sur le positionnement des volcans, puis un autre concernant la ligne de partage des eaux sous l’arbitrage du Mézenc. Côté est, les rivières rejoignent le bassin versant de l’Eyrieux, donc le Rhône et la Méditerranée (l’ Eysse, la Salious , l’ Azette).
Côté ouest, donc Haute Loire, la Gazeille, le Lignon et la Loire coulent vers l ‘ Atlantique.
Après s’être informés, nous suivons le GR Tour du Mézenc Gerbier pour accéder à un belvédère dominant le Cirque des Boutières . Devant nous un grand vide en arc de cercle ( 1,5 à 2 km de diamètre ) limité au sud par les deux dykes , Suc de Sara et Rocher des Pradous ( type intrusions ) , à l ‘ est par les Roches de Borée ,Gouleyou Suc de Touron, au nord par le Mézenc, les coulées de St Clément.
Dans le bas une large cuvette occupée de prairies et des blocs rocheux, des affleurements, témoins de phases éruptives qui ont contribué à l’ édification du Strato-volcan.
Les Rochers de Cuzet sur lesquels nous évoluons forment un anneau de palagonite au sommet du cirque , cette roche montre qu’ une activité sursteyenne est à l’origine de ces dépôts , de tufs volcaniques . Une phase strombolienne a suivi car on constate des scories rouges au-dessus des tufs palagonitisés .
A la base du strato-volcan, il y aurait eu au départ une activité type maar, puis des coulées basaltiques (basaltes prismés , suivies en montant vers la crête de dépôts de trachyandésites (mugéarites, benmoréites ) , les laves montrant une différenciation croissante. On peut aussi repérer des restes d’anciennes moraines du quaternaire, ce qui explique la présence d’ un glacier au sein du cirque et le gros travail d’ érosion pour faire disparaître les différents niveaux du grand volcan des Boutières : au fil des temps géologiques ,effondrements , glaciers, fracturation des roches , action descours d’ eau…ont vidé de son contenu cet édifice énorme .
Seuls les Rochers de Cuzet résistent encore en ces temps de changement climatique.
LA CROIX DE PECCATA
De retour aux voitures pour prendre la direction des Estables en Haute Loire.
Très vite on voit le paysage changer.
Le contraste morphologique est saisissant entre le versant ardéchois et son aspect spectaculaire (marques de l’érosion et encaissement des vallées) et le versant ligérien, vaste plateau basaltique ponctué de dômes éloignés les uns des autres, avec le village des Estables au centre.
Viennent rompre la monotonie, la platitude, la masse du Mont d’Alambre (dôme-coulée de phonolite ) , le Rocher Tourte , la Roche du Bachat et la face ouest du Mézenc. Au milieu, entre ces reliefs, beaucoup d’espaces réservés aux bovins, fin gras du Mézenc oblige . Dans le paysage aussi de grosses bâtisses en pierre semblant tourner le dos aux vents du nord et surtout à la burle en hiver . Isolement des fermes, témoins d’ une autre époque …
Nous arrivons rapidement au col de la Croix de Peccata pour un arrêt, ce site d ‘observation se situe entre les deux dômes de lave massive que sont le Mézenc et le Mont d’ Alambre, celui-ci présente un dôme élevé prolongé côté nord d’ une coulée courte et épaisse de phonolite . Eboulis bien visibles sur ses pentes.
Le Mézenc en revanche, s’est construit en plusieurs venues de laves visqueuses (pauvres ou riches en gros cristaux de feldspath et de pyroxène ), d’ où l ‘existence de deux sommets différents , l’ ardéchois étant plus haut .
Un nouveau panneau nous rappelle la ligne de partage des eaux, de ce côté les rivières forment plus facilement des méandres, vu la platitude du terrain.
Du col nous nous remarquons en contrebas du Mézenc une crête d’où émergent deux pointes , comme deux dents : il s’ agit du Chastelas et de la Dent Pointue , dénommés régionalement « Dents du Diable . » Quand la légende vient se mêler au volcanisme !!! Ces deux roches font partie d’un dyke de rhyolite qui s’est mis en place il y a 9 Ma au sein d’ une fracture .
En voiture nous allons voir de près la dent la plus accessible, la Dent Pointue, bloc vertical prisé des fans d’escalade.
A son pied nous trouvons un petit sentier montant donnant accès à la crête du dyke.
La vue de ce côté est superbe, allant du Mont Signon (dôme aplati ayant servi de carrières d’ exploitation de lauzes de phonolite ), Chaudeyrolles et son ancien cratère de maar , à Saint Front et son lac de cratère . On devine également le Lignon et sa vallée, serpentant entre forêts et prairies avant de rejoindre la Loire.
Le paysage est étendu et les quelques reliefs modestes.
Mais le volcanisme est bien présent aussi de ce côté du Mézenc.
C’est avec satisfaction que nous clôturons cette sortie lecture de paysage au pays des sucs et des dômes, ravis du spectacle grandiose que les volcans de Boutières nous ont offert. Cette journée a apporté un complément à nos connaissances géologiques et donné l’occasion de passer de bons moments ensemble. Un arrêt collation à la maison forestière des Estables pour fêter cette journée et ensuite regagner les routes sinueuses d’Ardèche.
Bernard Darras
Cette sortie a été proposée et préparée par François Fuentes, Bernard Darras et Geneviève Barbier-Polosse
Photos de Denis Polosse