COMPTE-RENDU SORTIE SAFRES DU 30 NOVEMBRE 2024 FAIT PAR BERNARD DARRAS
ORGANISATEUR DE LA SORTIE : HUGUES PIOLET
PARTIE GEOLOGIQUE : GENEVIEVE BARBIER
PHOTOS : BERNARD SENGES ET HUGUES PIOLET
NOMBRE DE PARTICIPANTS : HUIT PERSONNES
LES SAFRES
Quittant les brumes matinales du côté de Valence, nous nous retrouvons comme prévu à 9h sur le parking du caveau St Jean à Valréas . Le ciel plus clair annonce une belle journée propice à la balade géologique . Hugues, notre guide Safres du jour, nous invite à le suivre vers Rousset les Vignes . Ce bassin de Valréas va jusque Nyons via St Pantaléon les Vignes , le Pègue , Rousset les Vignes et Venterol .
Il est barré par les reliefs montagneux de la Lance (1340 m), du Courbiou (825m) et de la Montagne des Vaux (872m) . Nous avons hâte de découvrir ces fameux Safres cachés dans ce bassin. Pour cela il suffit de suivre Hugues qui connaît bien le secteur , jusqu ‘au premier parking devant une croix .
Sortis des voitures, nous posons pied à terre ou plutôt nos semelles sur du sable jaune. Premier indice, les safres ne doivent pas être loin.
Hugues, avant de démarrer, en profite pour nous expliquer le sens du mot Safres, c ‘est un terme d ‘origine occitane qui désigne des séries de dépots à dominante sableuse et gréseuse en milieu marin . Ces formations sont composées de sables jaunes ou clairs plus ou moins consolidés par de l ‘argile . Avec l’érosion il se crée des formes insolites , permettant à l ‘imaginaire de se lâcher .
On pense aussitôt à la molasse que nous connaissons bien dans le Dauphiné.
HISTOIRE GEOLOGIQUE :
Geneviève prend le relais pour nous résumer succintement l ‘histoire géologique de ces dépôts sédimentaires dans ce secteur au miocène .
Suite à la dérive de la Corse et de la Sardaigne et l ‘ouverture du golfe liguro-provençal (golfe du Lion ) donc de la future Méditerranée , la mer a envahi en plusieurs phases la Provence , les eaux se sont engouffrées dans les fossés (grabens) et ont remonté la vallée du Rhône , le fossé bressan et le bas Dauphiné . Par extension, elle a aussi ouvert de nombreux petits bassins (golfes) dont celui de Valréas . Cette mer du miocène (20,4 Ma à -5,9 Ma : burdigalien , langhien , serravalien , tortonien) s’ est enrichie de sédiments consécutifs à l ‘érosion des Alpes et du Massif Central , sédiments transportés par les fleuves et déposés dans les deltas des fleuves et la mer. Ces sables se sont ensuite indurés lors du retrait des eaux.
Le Miocène s’est terminé il y a 5,9 Ma par la baisse très conséquente du niveau de la Méditerranée suite à l’épisode Messinien ..Détroit de Gibraltar bloqué et plus de passage entre l’Atlantique et la Méditerranée .
DEUX PREMIERS SAFRES DE ROUSSET LES VIGNES
Le premier site proche est en partie caché par la végétation, par un court accès montant, nous nous trouvons face à un haut relief sableux et gréseux , étagé , montrant sous le soleil des formes sculpturales remarquables, entre des couches de sables jaunes. L ‘érosion différentielle a emporté les couches de sables non cimentés, les parties grésifiées sont restées formant de petits reliefs curieux .
Variété des œuvres de la nature : plaques en surplomb, aux bords arrondis, couloirs ,rigoles, bosses , creux , trous .Le tout faisant penser à une sorte de champignonnière verticale, de pleurotes nous souffle l’ imagination . Culture en cascades !
Par un bon sentier de petite randonnée, nous montons pour découvrir de nouvelles formes de plaques lenticulaires , de nouveaux ensembles , attraits pour les photographes du groupe. Le chemin est bordé d ‘une végétation toute méditerranéenne : chêne verts, genévriers ,romarins , thym etc… Avec l ‘élévation, nous pouvons admirer les paysages alentour avec les villages perchés, les massifs et les cultures provençales, vignes, oliviers , vergers . La flore est aussi bien présente autour des safres, elle attire notre attention , heureusement notre amie Carine est disponible pour satisfaire notre besoin de connaissance . La traversée de ce premier site est à la fois variée et bucolique, aussi prenons nous notre temps pour déboucher sur la route et retrouver les voitures.
Un peu de route et nous voilà face au second site de Safres intéressant de Rousset les Vignes . Il s ‘agit ici d ‘une plaque inclinée, composée de sables gréseux à niveaux caillouteux et de grés roux du Comtat datant du langhien .On y remarque des trace de rides orientées , de rigoles fines, mais surtout des fossiles (huîtres ,coquilles brisées, carapaces, traces) signifiant que la mer à l ‘époque était plus ouverte.
L ‘inclinaison forte de cette plage fossile est certainement due au dernier soulèvement causé par la tectonique alpine.
LES SAFRES D’ECHIRONS
Nous roulons en direction de Nyons pour nous arrêter sur la commune de Ventero au lieu-dit les Echirons . Une petite marche sur une allée végétalisée pour atteindre le troisième site . La formation ici présente une structure en cascade de grés épais, arrondis, massifs : on est toujours dans le domaine des sables et grés de Valréas. Ces ondulations variables en épaisseur présentent un étagement plus bombé, la dureté des roches et le sens de l ‘écoulement des eaux de pluie ont façonné ces courbes impressionnantes qui résistent toujours au temps .
Un peu plus loin un autre site présente une structure plus redressée, avec un creusement plus fort entre les strates , celles-ci étant plus régulières , moins épaisses, presque parallèles . Grés moins durs que les précédents donc plus sensibles à l ‘érosion par l ‘eau .En regardant de plus près , des traces de pneus de motos épousent les courbes de haut en bas , accélérant ainsi l ‘usure de ces Safres par les loisirs humains. Ces grés datant du Miocène moyen sont soumis à l ‘action de l’ eau , du vent , en y ajoutant la fréquentation humaine motorisée non cadrée ( aucun panneau d ‘interdiction de circuler en deux roues ) c ‘est toute l’importance géologique de ces lieux fragiles qui est menacée .
LE SITE DE PAREJATS :
Après ces quatre arrêts intéressants, toujours à la suite de notre guide, nous remontons dans les voitures pour un dernier Safres au lieu-dit Parejats sur la commune de Nyons . On est toujours dans le bassin de Valréas mais plus à l’est au pied de la Montagne des Vaux .En approchant, comme l ‘endroit est en travaux Hugues nous invite à faire le chemin à pied. De loin on aperçoit une terre surélevée, très inclinée ,présentant des sillons réguliers , parallèles ,on pense tout de suite à un champ cultivé de lavandes . Arrivés sur place, par un étroit sentier pas facile d ‘accès nous débouchons au pied du site : il s’ agit d ‘une grande plaque rectangulaire très pentue , nous devons rester en bas car l ‘inclinaison est trop forte.
De là où on se trouve on observe des sortes de rigoles gréseuses, verticales, régulières, équidistantes ,parallèles . Celles-ci sont bordées de bandes plus dures ,elles-mêmes entrecoupées de façon transversale et oblique par d ‘autres rigoles .
Le tout forme un ensemble quadrillé remarquable.
Ces formations sont dûes à la mer du miocène, l ‘action de la houle marine agit différemment selon le niveau de l ‘eau , la profondeur , la force , sur des dépôts de sables . Quand la mer se retire, les sables accumulés se consolident petit à petit, durcissent, puis sous l ‘action des eaux de pluies qui érodent , creusent en suivant l ‘inclinaison de la plaque , donnent une structure rocheuse au modelage régulier. L’eau s ‘est écoulée dans une seule direction sur des dalles plates et de dureté uniforme. Résultat : des creusements réguliers , des rigoles bordées par des ondulations elles aussi régulières .
Un écoulement tourbillonnaire de l ‘eau aurait, avec le temps et la pente ,modelé ces sinuosités remarquables .Elles font penser aux ripple-marks ces rides allongées formant un léger relief sous l ‘agitation de la houle ou l ‘action des courants marins sur le fond .
LA PAUSE DE MIDI
Il est plus de midi, on n ‘a pas vu le temps passer avec ces découvertes préparées par Hugues , ces mouvements vers des sites géologiques montrant des morphologies peu courantes , mobilisant notre imaginaire et notre curiosité.
Notre esprit s ‘est bien aéré et maintenant il s ‘agit de reprendre un peu de forces.
Hugues nous emmène à Nyons pour un pique-nique au bord de l ‘Aygues ou Eygues. Là de gros galets nous donnent de l ‘assise pour nous restaurer dans de bonnes conditions . Le soleil est présent et le cours de l’eau apporte de la fluidité à notre repas , tout en nous berçant .Un petit café pris dans une brasserie sur la place et nous voilà de nouveau mobilisés pour un bon bout de route en direction de la Garde-Adhémar .
Hugues pense qu’on ne pourra pas faire les Crevasses de Chantemerle et Le Creux Rouge pour le temps qui nous reste avant le retour, on opte donc pour les ocres ,un thème qui attire et évoque le Colorado provençal de Rustrel que tout le monde connait.
LA CARRIERE D OCRES DU CREUX ROUGE
Cette ancienne carrière où l ‘ocre a été exploité, se situe sur la commune de la Garde-Adhémar. Après les Safres, changement de sujet mais aussi de temps géologiques. Du miocène moyen nous reculons à l ‘éocène situé entre -65Ma et -34Ma , tout en restant au tertiaire .
Sur place nous entrons dans une zone boisée, et rapidement nous somme face à des falaises d ‘ocres présentant un dégradé de couleurs mais aussi des failles dûes à l ‘érosion et à l ‘exploitation humaine . Plusieurs pans semblent ne plus être stables et menacent de s ‘écrouler .Les pluies poursuivent leur action érosive sur ce milieu fragile de sables ocreux .
HISTOIRE GEOLOGIQUE DES OCRES
Hugues et Geneviève nous expliquent comment se sont formés ces sables ocreux : Il y a 100 Ma , la Provence est sous la mer , la région se bombe (bombement durancien) , les fonds marins vont recevoir des apports de sables provenant de l ‘érosion des reliefs environnants. Particularité, ces sables sont verts car ils contiennent un minéral particulier , de type argileux , riche en fer et en aluminium , la Glauconie . La mer se retire, la région émerge et les sables verts se retrouvent à l ‘air libre , sous un climat tropical qui va provoquer leur altération. La glauconie s ‘oxyde et se transforme en ocre composée de deux minéraux : une argile , la Kaolinite et un oxyde de fer la Goethite ; les sables glauconieux marins ont été transformés en sable ocreux continentaux . La circulation latérale d ‘eaux chargées en fer a formé une cuirasse ferrugineuse ,véritable chapeau protégeant les strate de l ‘ensemble de la structure ocreuse .
L’altération des sables a été progressive et a permis par les échanges entre les minéraux d ‘obtenir des ocres de différentes teintes et épaisseurs .
Cela grâce à l ‘infiltration conséquente des eaux de pluies.
Nous avons donc ici, des sables kaoliniques (sables blancs) ou ocreux (Jaune-brun) par la goethite ou la limonite, (rouge) par l ‘hématiteLe quartz du sable étant toujours présent.
OBTENTION DE L’OCRE
Hugues nous explique le procédé pour obtenir de l’ocre pure , c’est à dire les pigments contenus dans les différentes terres .
Il faut d ‘abord un lavage du sable, suivi d ‘une décantation et d ‘un séchage de façon à récupérer les pigments .Ceux-ci sont utilisés comme colorant dans l ‘industrie et l ‘artisanat .Cela prend du temps et de l ‘application si on le fait soi-même . Suite à l ‘exploration du bas de la carrière, nous montons la voir par le haut , en suivant un chemin permettant une vue plongeante sur les reliefs ocrés. L ‘occasion de quelques clichés-souvenir de ce bel endroit . C’est ravis de cette belle journée au milieu des Safres et des Ocres que nous nous quittons en remerciant nos guides .
Bernard Darras
IMPORTANT :
Petit rajout fait par Geneviève Barbier
-Au tertiaire, les profils d’altération du Crétacé ont pu être remaniés. En premier lieu les cuirasses ferrugineuses suivi de l’érosion des sables ocreux et des sables blancs et enfin les grès verts. Cela a crée une sédimentation inverse nommée « profil inverse » par JM Triat , très visible à Rustrel mais aussi à la Grange Gontarde où la succession des couches est assez confuse par endroits ce qui avait attribué les ocres à l’Eocène alors qu’elles datent bien du Crétacé..