Leur constitution
Constituées d’argile, de calcaire et de schiste, elles peuvent contenir jusqu’à 65% d’argile (marnes argileuses), si le calcaire domine, on parle de calcaires argileux.
Ces marnes se sont formées au fond de la mer au Secondaire. Pendant des millions d’années se sont accumulées des centaines de mètres d’épaisseur de sédiments.
Leur couleur varie du noir au bleuté, en passant par les gris, voire le jaunâtre, à la suite d’altération.
Elles forment des sols très sensibles à l’érosion, des ruisseaux intermittents parcourent les reliefs ravinés.
Ces marnes peu représentées en Ardèche, en Isère ou Vaucluse, occupent de vastes espaces dans la Drôme, les Alpes-de-Haute-Provence et les Hautes-Alpes.
L’alternance de couches de marne et de calcaire… pourquoi ?
L’alternance de couches de marne et de bancs calcaires s’explique d’après Milutin Milankovic, par la précession de l’axe de rotation de la Terre ajoutée à la rotation de l’orbite terrestre, conditions qui se répètent avec une périodicité d’environ 22 000 ans. Une variation de température de quelques degrés suffit pour modifier la texture des couches de sédiments.
Explications sur la précession
La Terre ne tourne pas sur elle-même comme un ballon sphérique mais plutôt comme une toupie car elle est soumise à la précession .provenant du fait que les attractions du Soleil et de la Lune ne sont pas uniformes sur Terre à cause du bourrelet équatorial de la Terre. La toupie tourne dans un premier temps droite, puis, perdant sa vitesse, sa tige commencer à dessiner une sorte de cercle ou de cône. Cette tige, en réalité l’axe nord-sud, dessine dans l’espace un cône par rapport à l’axe perpendiculaire au plan de l’écliptique.r
Les Paramètres de Milankovic sont les paramètres astronomiques qui engendrent des variations cycliques du climat terrestre. Ces paramètres, ou cycles, prennent en compte les variations de positionnement des planètes et leurs orbites.
Les changements climatiques sont liés aux positionnements de la Terre sur son orbite autour du Soleil. La forme de l’orbite terrestre varie dans le temps entre une forme quasi circulaire et une forme plus elliptique. Cette excentricité est due aux attractions gravitationnelles exercées entre la Terre, les autres planètes du Système solaire et le Soleil. A l’heure où l’on nous parle de réchauffement climatique lié aux activités humaines, il ne faut pas oublier que les variations climatiques ont toujours existé et sont surtout liées aux variations de la mécanique céleste. D’autres causes peuvent entrer en jeu : l’interaction atmosphère/océan, la dérive des continents, la formation des montagnes, le volcanisme, voire la chute de météorites…
Paramètres pris en compte par Milankovic :
Les variations de l’excentricité de l’orbite terrestre qui passe du cercle à l’ellipse – périodicités de 100 000 et 413 000 ans
Les variations de l’obliquité de l’axe de rotation de la Terre – périodicité de 41 000 ans
La précession de l’axe de rotation sur l’orbite terrestre – périodicité d’environ 20 000 ans.
L’ORIGINE DES MARNES
Ces marnes se sont formées au fond de la mer au Secondaire. Au début du Secondaire, il y a 235 millions d’années (MA) la mer envahit progressivement la Drôme et l’est de l’Ardèche.
Au Jurassique, le Massif central forme une île dont le rivage se trouve entre Annonay et Vienne.
Au Jurassique supérieur, un fossé vocontien de quelques centaines de mètres de profondeur occupe le Diois et les Baronnies. Pendant des millions d’années, vont s’accumuler des centaines de mètres d’épaisseur de sédiments. Ces dépôts marins préparent les bancs calcaires et marneux des paysages d’aujourd’hui.
Au Crétacé inférieur, marnes et calcaires, continuent de se déposer. Le climat est tropical car notre plaque se trouve 1000 kilomètres plus au sud. La mer, peu profonde en Ardèche, est plus profonde à l’emplacement des futurs Diois et Baronnies. Les rivages du continent se situent légèrement à l’est d’une ligne joignant les régions d’Aubenas, Privas, Valence. Les roches qui se forment au fond de la mer sont des marnes et calcaires gris-bleus en bancs réguliers. Dans des zones peu profondes se forment des récifs coralliens qui donneront les épaisses barres de Calcaire urgonien des escarpements des Gorges-de-l’Ardèche, du Vercors et du Ventoux. Les plus grandes épaisseurs d’alternances marno-calcaires se trouvent, en Drôme, dans les secteurs de Buis-les-Baronnies, Chalancon, Bezaudun-sur-Bine.
Au Crétacé supérieur, alors que le Massif central est au soleil, la Drôme est toujours sous la mer. Il y a 100 millions d’années, la plaque africaine télescope la plaque européenne, entraînant la naissance des Pyrénées, l’émergence et le plissement du sud-est de la France, La Provence et le Massif central sont déformés par de colossales poussées venues du sud, suite au rapprochement de l’Italie et de l’Europe. Les empilements de sédiments déposés depuis le Trias sont plissés, devenant les plis est-ouest du Diois et des Baronnies.
Les pressions entre plaques tectoniques se poursuivant entraînent la surrection des Alpes, le soulèvement puis l’émersion du Vercors, du Diois et des Baronnies. A l’Oligocène, il y a 30 MA, un gigantesque effondrement, au niveau de failles, sépare le Massif central des Alpes naissantes, engendrant le fossé rhodanien qu’un bras de mer remonte au Miocène (moins 20 MA) jusqu’à la Bresse et la Suisse. Le soulèvement alpin s’accompagne d’une intense érosion. Le Rhône, l’Isère et leurs affluents charrient et accumulent dans cette mer du Miocène quantité de sédiments qui donneront la future molasse alors que s’entassent au pied des Alpes : argiles, sables et roches, édifiant un piedmont , le plateau de Chambaran. La désintégration du granite donne des feldspaths, micas et quartz. L’eau de pluie transforme les feldspaths en minéraux argileux très fins. Plusieurs dizaines de mètres d’argile recouvrent les sédiments marins molassiques. A la fin du Miocène, les massifs du Vercors et des Préalpes drômoises sont de nouveau plissés dans le sens nord-sud, entraînant failles et chevauchements.
Des éruptions volcaniques se produisent en Ardèche (Gerbier de Jonc, Mézenc, Coiron).
NE PAS CONFONDRE MOLASSE et MARNE
La molasse est appelée, à tort, “marne” par les habitants de la Drôme du nord alors que pour un géologue une marne est une argile. Les roches qui se sont formées dans la mer du Miocène sont des sables et des grès calcaires. Les paysans du nord Drôme travaillaient, en morte saison, dans les carrières de molasse, extrayant des blocs, ou creusant sur leur propriété des baumes dans les couches de molasse dure, taillant des moellons ou des linteaux vendus aux maçons. Pour exprimer leurs efforts, ils employaient le verbe « marner = travailler dur », d’où la confusion molasse et marne.
La molasse est un grès calcaire constitué de grains de quartz, de feldspath et de mica, provenant de la désagrégation de roches granitiques, auxquels s’ajoutent de petits galets et des fossiles ou leurs débris, le tout soudé par un ciment calcaire ou siliceux. La couche de molasse atteint en nord -Drôme 520 mètres à Montchenu, 350 mètres à Claveyson, 250 mètres à Saint-Barthélemy-de-Vals. La molasse peut être localement fossilifère contenant des huîtres ou autres bivalves, des oursins, des dents de squales ou de raies, du corail… Dans les dépôts de la fin du Miocène, les fossiles d’eau douce témoignent du recul de la mer.
Au Pliocène, il y a 6 millions d’années, un bras de mer recule, occupe toujours la future vallée du Rhône, mais n’occupe plus que le Tricastin, les bassins de Crest, Montélimar et Valence. Les Alpes sont achevées, les vallées du Rhône, de l’Ardèche et de la Drôme se creusent. La mer se comble, s’évapore, puis, victime d’une baisse du niveau de la Méditerranée, recule en Camargue, ne laissant qu’un filet d’eau, le Rhône, des lacs et d’importantes couches de sédiments.
Des glaciations se succèdent jusqu’au Quaternaire, la dernière s’achevant il y a 10 000ans. Les glaciers avancent en direction de Beaurepaire et de Saint-Marcellin. La région de Grenoble est recouverte par les glaciers. Lors des périodes de réchauffement, les cours d’eau creusent leur lit, débordent, s’étalent, déposent des terrasses.
FOSSILES DES MARNES
Dans les marnes du Jurassique moyen de l’Ardèche, le paléontologue Bernard Riou a découvert de remarquables fossiles : des poissons, des ophiures, des étoiles de mer, calmars, crevettes et la plus vieille pieuvre du monde remontant à 155 millions d’années… fossiles visibles au Musée de Paléontologie de Balazuc (07).
Dans les marnes du Jurassique supérieur de l’Oxfordien on trouve des ammonites (dans ou sur les nodules).
Dans les marnes du Crétacé inférieur, (Valanginien) on trouve des bélemnites et des ammonites pyriteuses (transformées en fer).
MINÉRAUX DES MARNES
Des veines et filons de calcite sillonnent les marnes du Jurassique et du Crétacé.
Dans les marnes de l’Albien et de l’Aptien, on trouve des nodules de marcassite et des nodules baritiques dont le cœur est constitué d’aiguilles de barite noyées dans la calcite.
SEPTARIAS ET AUTRES NODULES
Des septarias du Callovien et de l’Oxfordien, renferment des minéraux plus ou moins cristallisés. Par « Septaria », on entend un nodule calcaire, en forme de boule ou ovoïde, contenant des minéraux parfois cristallisés. On trouve également des minéralisations du Jurassique, dans des concrétions de forme cylindrique en forme de tuyau, appelées « poudingues ».
Ces nodules se sont formés dans les vases putrides des fonds marins, autour de restants organiques propices à l’évolution de bactéries anaérobies (capables de se développer dans un milieu dépourvu d’air ou d’oxygène, en exécrant de l’ammoniaque). Mélangée à l’eau de mer, l’ammoniaque a provoqué la précipitation des carbonates. Avec le temps, l’enrobement calcaire de plus en plus compact est devenu étanche, étouffant les bactéries et signant l’arrêt de croissance du nodule. Le contenu composé de restes de bactéries, de matière organique, de limon, de carbonates, d’eau de mer gorgée d’hydrogène sulfuré, a subi une réorganisation. Les matières solides se sont agglomérées en laissant des fentes de retrait. En précipitant, le bicarbonate de calcium a donné de la calcite imprégnée d’hydrocarbures qui ont recouvert les parois.
Le poids croissant des sédiments a aplati les concrétions. Des poussées latérales comprimant et déplaçant les marnes malléables, ont entraîné de nouvelles fractures de nodules.
Des solutions aqueuses contenues dans les marnes pénètrent ces nodules fracturés avant cicatrisation. De nouveaux minéraux vont pouvoir se déposer sur une calcite brune ou noire de première génération, le magnésium donnant de la dolomite, la silice du quartz, le baryum de la barite…
Une trentaine de minéraux peuvent être trouvés dans les septarias du Callovien, de l’Oxfordien, l’Albien et l’Aptien, les plus fréquents étant : l’Ankérite, l’Aragonite, la Barite, la Bornite, la Calcite, la Calcédoine, la Célestine, la Dolomite, la Goethite, la Limonite, la Pyrite, le Quartz, la Sidérite, la Strontianite, .. et des minéraux organiques plus rares comme la Whewellite.
Sur des millions de nodules, certains peuvent être minéralisés de façon exceptionnelle. Des Marnes du Jurassique ont fourni des cristaux de Quartz célèbres par leur taille et leur limpidité, cristaux nommés « diamants de la Drôme » par les minéralogistes, le top étant l’association : Ammonite, Calcite noire, Quartz. Les Quartz, d’une grande pureté peuvent atteindre quatre centimètres et présenter divers types de cristallisation ou teinte : Quartz alpin, maclé, bipyramidé, fenêtre, sceptre, citadelle, fantôme, étoile, citrin, fumé… certains possèdent des inclusions fluides aqueuses ou d’hydrocarbure, sous forme gazeuse ou liquide. Des pièces remarquables, découvertes en Drôme, trônent au Musée de Minéralogie de New-York…
Michel Brouty